Finale Roland Garros 1988 | La lose express de Zvereva face à Graf

Mathieu Dunas

Mathieu Dunas

Copywriter Rédacteur Freelance

Le match le plus long de l’histoire du tennis féminin s’est déroulé en 1984 lors du tournoi de Richmond. Vicki Nelson avait battu Jean Hepner 6-4, 7-6 en 6h31, après un jeu décisif de 1h47 et un point de 29 minutes. Mais quid du plus court? 

Dans ce laps de temps, le 5 juin 1988, Steffi Graf a eu le temps de gagner une finale de Grand Chelem, d’aller faire un tour sur les Champs et de mater la trilogie du Seigneur des Anneaux. Et on parle de la version longue avec les dialogues en elfique. Retour sur ce mythique Graf-Zvereva, a.k.a. la plus courte finale de Grand Chelem de l’Histoire.

Pour cette 91e édition du simple dames des Internationaux de France, la finale oppose donc Steffi Graf, n°1 mondiale et tenante du titre, à la nouvelle pépite du tennis Natasha Zvereva. Cette dernière n’ayant pas encore l’âge légal pour consommer de la Poliakov. L’Allemande n’est guère plus âgée, mais elle est dans la plus belle année de sa carrière, qui la verra réaliser le « Grand Chelem doré » (vainqueur des quatre majeurs et de la médaille d’or olympique).

Du frenchie en entrée pour Graf…

À l’aube de sa sixième participation, Graf débarque avec l’étiquette de favorite et le statut de tête de série n°1 qui va avec. Pour son entrée en lice Porte d’Auteuil, l’Allemande est opposée à Nathalie Guerrée, jeune joueuse tricolore de 20 ans classée aux alentours de la 100e place mondiale. Si France Télévision aurait probablement réussi à nous vendre une affiche indécise, on savait très bien qu’une Française au premier tour, c’était retour à la casbah. Mais quitte à sortir de suite du tableau, autant le faire avec panache et se prendre un 6/0 au passage. Pas vrai Nat?

Un premier match qui n’a d’ailleurs pas manqué de mettre la joueuse allemande en confiance puisque la future compagne d’André Agassi ne concédera que 20 jeux sur l’ensemble de la quinzaine. Dont 9 face à Gabriela Sabatini en demi-finale. Même si on avait mis Teddy Riner chez les – de 57 kg, il n’aurait probablement pas autant dominé.

De son côté, Zvereva arrive presque aussi en forme que Steffi Graf pour sa première finale de Grand Chelem (Spoiler alert : il n’y en aura pas d’autres en simple). La 15e joueuse mondiale pratique un très beau tennis et n’a laissé qu’un set en route en faisant notamment tomber Martina Navratilova. On s’attend donc logiquement à un match de haut vol entre les deux joueuses.

T’es tendue Natasha !

Steffi Graf lance sa finale par un jeu blanc sur sa mise en jeu, avec deux balles en main au moment de servir, à l’ancienne. La réponse de Zvereva ne se fait pas attendre : 40-30 sur son service. Ce que la jeune Soviétique (désormais Biélorusse) ne sait pas encore, c’est qu’elle ne sera jamais aussi proche de remporter un jeu. Trois fautes directes plus tard, la voilà menée 2-0 alors que la pluie commence à s’abattre sur le court Philippe Chatrier, puis 3-0 avant que l’arbitre de chaise ne décide de suspendre le match.

Mais cette interruption d’une heure ne perturbe pas la masterclass de Zvereva dans cette finale. Pas une balle dans le court, des fautes directes à faire pâlir Caroline Garcia et Kiki Mladenovic, aucun coup gagnant dans le premier set et un seul point marqué depuis la reprise : le champagne n’est pas encore ouvert, mais la première bulle est de sortie après 16 minutes. Un fait d’armes qui a marqué le tennis, pour preuve c’est désormais devenu une expression à part entière.

Au deuxième set, on continue sur les mêmes bases et les jeux défilent à vitesse grand V. Même Thierry Champion, auteur cinq ans plus tard du fameux triple bagel, avait réussi à faire durer les sets au moins 20 minutes, c’est pour dire la performance réalisée par Zvereva.

Graf tente même d’offrir un jeu à Zvereva

C’est alors qu’on assiste au paroxysme de la lose pour la joueuse soviétique. Devant cette déculottée magistrale, Graf essaye honteusement de nous priver du 6/0 6/0 qui se profile en tentant d’offrir un jeu à son adversaire (comme l’avait d’ailleurs fait Bruguera face à Champion, sans y parvenir). À 5-0 dans la seconde manche, la n°1 mondiale baisse volontairement de pied et enchaîne les retours mous au milieu du court.

Mais rien n’y fait, Zvereva a activé l’arrosage automatique et n’importe quelle balle de Steffi Graf lui fait l’effet d’un coup droit fouetté de Rafael Nadal. Sur une dernière montée au filet en slip et un smash raté, l’affaire est pliée en 34 minutes.

La prestation de la jeune Soviétique n’a d’égal que sa ligne de stats : 13 points marqués, 2 coups gagnants, 25% de points remportés derrière sa première balle et une interruption pluie plus longue que le match en lui-même. Alors que Natasha Zvereva est incapable de lâcher le moindre mot lors de l’interview d’après-match, Steffi Graf déclare au public dans un dernier élan de compassion :

« Je suis vraiment désolée que ça ait été si rapide. »

Une carrière pas si FFL malgré un début prometteur

Mais malgré une première finale où elle a tutoyé les sommets en termes de lose, Zvereva atteindra tout de même le 5e rang mondial et deviendra même l’une des plus grandes joueuses de double de l’histoire (80 titres dont 20 Grands Chelems). Encore un potentiel gâché.

On peut tout de même mettre en avant son taux de réussite lors des finales en simple, où la Biélorusse présente un beau 4/19, digne des plus grandes perfs de Russell Westbrook. À 18 ans, interrogée sur ce qui symbolise le mieux la réussite pour elle, elle déclare :

« Une grosse Mercedes rouge. »

Cette finale 1988 aura au moins eu le mérite de lui payer les deux premières roues.

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